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6086Le premier concept de “notre langage conceptuel” à figurer dans cette rubrique Glossaire.dde est celui de “virtualisme” (auquel s’ajoute, entre parenthèses, – on verra pourquoi, – narrative). C’est certainement le concept-dedefensa.org le plus ancien introduit sur ce site. Il précédait même la création du site (1999) et, sans aucun doute, son activation effective en 2001, après deux années de tâtonnements. Nous l’employions d’une façon assez régulière, disons dans les deux ou trois dernières années du siècle précédent, dans notre Lettre d’Analyse dedefensa & eurostratégie (dd&e).
Pour cette raison, ce texte de définition du concept de virtualisme comprend une partie historique, rappelant l’évolution de son emploi dans nos colonnes. Par le fait même de la description de cette évolution, on est conduit à y aborder directement et très largement la définition du virtualisme selon l’emploi que nous en avons fait à mesure, dans notre esprit et selon l’évolution des situations que nous avons constatées. La partie réellement novatrice, qui constitue la fin du texte, concerne finalement ce qu’il est advenu du virtualisme dans la situation actuelle, – c’est-à-dire son étiolement et sa dissolution progressive…
Un des textes de la Lettre d’Analyse dd&e, repris sur le site, fait grand usage du terme jusqu’à tenter un effort de définition complexe. L’occasion en fut la guerre du Kosovo, que nous perçûmes effectivement comme “la première guerre virtualiste” dans la conception structurelle et la réalisation. Disant cela, nous pensons à un événement qui fut préparé, exécuté, conduit à bien (façon de parler), avec le champ de la communication figurant comme une des références principales, selon les normes de ce que nous nommions déjà “virtualisme”.
On trouve cette tentative de définition dans notre texte du 10 septembre 1999, qui est la reprise sur le site de la rubrique Contexte du numéro du 10 septembre 1999 de dd&e.
Nous reproduisons la conclusion de cet article où nous proposons explicitement, en plusieurs points, une tentative de définition du concept. C’est donc l’ouverture de notre “langage conceptuel” : même si le mot est déjà d’un emploi assez courant, il l’est, dans nos écrits, selon des caractéristiques qui nous sont propres. D’ores et déjà, en 1999, la conception de ce qu’est le virtualisme est fort avancée…
« Nous tentons de conclure ce qui est une première approche d'une hypothèse que nous devrions être amené à envisager de nouveau, dans sa perspective historique, dans ses causes profondes, dans sa prospective. Nous conclurons par quelques points qui permettront de mieux expliciter ce concept de “virtualisme” que nous avons tenté de présenter.
» • Le virtualisme ne repose pas sur un double discours, et par conséquent, pas non plus sur une langue de bois. Il s'agirait plutôt de la re-construction ou de la re-création de la réalité. Dans ce système, la notion de mensonge est transformée. Le mensonge n'est plus un accident dans une réalité complexe. Il devient une autre réalité, puis, par la puissance de sa diffusion, il devient la réalité.
» • Le virtualisme ne saccage pas la réalité, comme faisait le stalinisme. Le stalinisme avait besoin d'un État-policier pour faire croire à coup de knout. La virtualisme a besoin d'un État-médiatique pour être structuré par la répétition et pour installer exclusivement l'esprit de conformisme.
» • Aujourd'hui, il y a deux éthers différents. Même si une affirmation du virtualisme contredit in fine une réalité du vrai monde, l'absence de lien interdit d'en tirer la conséquence, encore moins de la réaliser, — et la réalité non-virtualiste subsiste.
» • L'absence de coercition directe, l'absence du knout, en même temps que l'affirmation des “valeurs” qui structurent le virtualisme, interdisent absolument d'éliminer les libertés diverses. Au contraire, celles-ci sont des composantes nécessaires du système et entretiennent sa mystique autant que son fonctionnement. Le virtualisme est une doctrine totalitaire et totalement antiautoritaire.
» • La puissance extraordinaire du virtualisme est balancée par une faiblesse non moins extraordinaire. Son triomphe est nécessairement toujours temporaire et soumis à contestation, jusque de l'intérieur même. Fondé sur l'ivresse de l'absence d'autorité, de l'absence de “ligne générale”, puisqu'il affirme n'être rien d'autre que la réalité policée par les “valeurs”, le virtualisme est en état d'agitation perpétuelle.
» • Pour finir, constatons ceci : le virtualisme est fondé sur l'affirmation de vertus qui l'ont favorisé décisivement dans les circonstances initiales, et qui le menacent mortellement dans les circonstances nouvelles qu'il crée lui-même. La liberté est une de ces vertus. Le résultat n'est pas l'oppression, sinon par instants, mais le désordre et, au-delà, l'hystérie, voire l'accident nerveux. »
L’“Âge d’or du virtualisme”, c’est 2001-2004, qui est également l’Âge d’or de la croyance en la toute-puissance militaire US devenue opérationnelle et irrésistible. On connaît les tenants et aboutissants de la chose, les incroyables affirmations faites à l’époque, et qui continuent à être colportées sous le manteau, y compris et même surtout par les opposants à la puissance US. On pense aux affirmations grotesques, que rapporta le général Wesley Clark et qui lui furent faites en septembre 2001 (voir le 5 mars 2007), selon lesquelles le Pentagone planifiait 7 guerres victorieuses en 5 ans. Comme le rappelle Tom Engelhardt, la machine de guerre US est une “machine à perdre” presque parfaite, malgré les écrits de William Kristol ou de la prolifique famille Kagan.
A cette époque, c’est toute une direction politique, un establishment et un pays qui vivaient à l’heure d’une guerre peinte à la fois comme totale et décisive, – contre l’Irak, 25 millions d’habitants et 10 ans d’embargo ! Et la chose fut prise au sérieux à Washington, tout comme dans les pays-satellites. Il s’agissait sans aucun doute d’un ensemble, d’une construction extrêmement minutieuse d’une réalité complètement différente. Pendant cette période, nous avons continué à étudier le phénomène du virtualisme (voir le 4 mai 2002, sur deux textes de nos archives du 25 janvier et 10 juillet 2001). Le 13 mars 2003, à la veille de l’attaque de l’Irak, nous publiions un texte de janvier 2002, après l’attaque contre l’Afghanistan, définissant notre rôle, à nous chroniqueurs de cette fin d’un monde, vis-à-vis de l’information officielle devenue nécessairement une contribution fondamentale à l’élaboration du virtualisme, donc nécessairement faussaire et trompeuse.
«Nous sommes, nous, les analystes et les commentateurs, plus que jamais placés devant une tâche d'enquêteur. Notre enquête ne se déroule plus pour trouver les faits, mais pour distinguer, parmi les faits par multitudes incroyables qui nous sont offerts, et parmi lesquels, par multitudes également significatives, sont glissés des faits fabriqués, déformés et ainsi de suite, entre ceux qui valent d'être retenus et ceux qui doivent être écartés.
»Les événements depuis 9/11 ont marqué un déplacement décisif des réalités à cet égard. Nous sommes entièrement installés dans l'univers dominé par l'idéologie du virtualisme, qui présente cette particularité unique dans l'histoire des idées d'être une idéologie de la forme et pas du fond, une idéologie de la non-idée si vous voulez, dont le corpus et la raison d'être sont totalement explicités et justifiés par sa méthode de fonctionnement. Le virtualisme est l'accomplissement de l'idéologie absolument non-existante, donc de l'esprit nihiliste enfin réalisé, parvenu à son terme, au port. Notre tâche d'enquêteur est évidemment complètement bouleversée par cette nouvelle “réalité”…»
Il existe certainement des facteurs “objectifs” de création du virtualisme, hors de la seule pression psychologique de la situation, comme par exemple le facteur du groupthinking propre à la bureaucratie, dont parlait John Hamre le 30 septembre 2003. Mais, très certainement, l’élément de communication le plus remarquable sur “la réalité du virtualisme” (“la réalité de la non-réalité”), un élément quasiment historique, se trouve dans l’article de Ron Suskind sur l’administration GW Bush, dans le New York Times du 17 octobre 2004. Nous le présentions et le commentions le 23 octobre 2004. Nous mettions évidemment en évidence cet extrait de l’article de Suskind, qui nous dit tout d’une manière incroyablement ouverte et candide :
«In the summer of 2002, after I had written an article in Esquire that the White House didn't like about Bush's former communications director, Karen Hughes, I had a meeting with a senior adviser to Bush. He expressed the White House's displeasure, and then he told me something that at the time I didn't fully comprehend – but which I now believe gets to the very heart of the Bush presidency.
»The aide said that guys like me were “in what we call the reality-based community,” which he defined as people who “believe that solutions emerge from your judicious study of discernible reality.” I nodded and murmured something about enlightenment principles and empiricism. He cut me off. “That's not the way the world really works anymore,” he continued. “We're an empire now, and when we act, we create our own reality. And while you're studying that reality — judiciously, as you will – we'll act again, creating other new realities, which you can study too, and that's how things will sort out. We're history's actors… and you, all of you, will be left to just study what we do.”»
Ces déclarations venaient dans le cours d’une administration très inclinée aux montages, aux dissimulations diverses, voire aux “complots”, – quant à l’habileté, c’est une autre affaire... Celui (ce “complot”) du 11 septembre 2001 est fameux, quelle que soit sa dimension et sa réalité ; et nous aurions sans aucun doute tendance à considérer comme une très grande probabilité qu’il y a eu des montages autour de l’attaque 9/11 ; et nous penserions que, quoi qu’il se soit passé, la puissance du système de la communication a organisé la probabilité du “complot” quasiment comme un fait acquis, paradoxalement en dénonçant hystériquement l’hypothèse comme absolument subversive. (La réaction saine étant de dire : “Puisqu’ils hurlent hystériquement qu’il n’y a pas eu complot, c’est donc bien qu’il y a eu, car l’on ne prête qu’aux comploteurs…”)
Prenons cette probabilité comme un fait, et observons cet autre fait, extraordinaire celui-là, que les directions politiques, soi-disant organisatrices de la chose, se précipitent sur la chose pour aussitôt l’élever à la vérité d’un événement-fondateur… Le virtualisme est au sommet de sa nécessité quasiment transcendantale. (Transcendance faussaire, et même invertie, comme tout le reste, dans un superbe mouvement d’ensemble, cul par-dessus tête. Le virtualisme recrée, à l’envers, un monde quasiment parfait, doté d’un sur-monde, – c’est-à-dire, cela va sans dire, d’un “sous-monde”.)
Malgré cela, qu’une telle conviction se soit ancrée dans la psychologie de fonctionnaires et experts, et dirigeants-Système corrompus jusqu’à la moelle, à partir des conséquences d’un événement si complètement artificiel, en dit long sur la déformation fondamentale de cette psychologie américaniste. Plus qu’une ivresse, plus qu’une dissimulation grotesque, le virtualisme est sans aucun doute, du côté de ses “opérateurs”, une pathologie. Dans sa réalisation, il implique nécessairement de formidables transformations évènementielles et psychologiques, touchant à la métaphysique. C’est la thèse de 9/11 comme “événement métaphysique nécessaire”… Ainsi écrivons-nous le 18 juin 2012 :
«Le caractère le plus remarquable de 9/11 est qu’il accomplit (ou achève) d’une façon parfaite la transmutation en une entité psychologique de nos élites, par leur terrorisation. Il le fait, si l’on accepte la thèse du complot, avec l’aide des “victimes” elles-mêmes… Nous pourrions même avancer l’hypothèse que, dans notre conception, cet argument deviendrait péremptoire, du point de vue métahistorique et métaphysique que nous adoptons (sans nous intéresser aux modalités historiques) : la terrorisation des psychologies des élites n’est pas un acte d’investissement par surprise, mais l’étape finale de leur emprisonnement, de psychologies qui étaient d’ores et déjà investies depuis un temps assez long par la proximité de la Matière, et par l’influence du Système (voir le phénomène du ‘persiflage’ au XVIIIème siècle). En quelque sorte, ces psychologies auraient comploté elles-mêmes pour achever l’investissement d’elles-mêmes (leur pathologie eschatologique) par le Système, par le Mal, grâce à la terrorisation imposée par 9/11 ; on peut alors évidemment comprendre que l’hypothèse (historique) des thèses diverses de complot a toute sa place, et qu'elle ait fait l'objet de tant d'attention et de tant d'intérêt...
»“…Si l’on va à l’extrême et que l’on adopte la thèse du complot intérieur (‘inside job’), dont on peut admettre sans trop de difficultés qu’elle est au moins en partie fondée, on trouve par conséquent des gens qui s’affirment en toute conscience ouverts aux dangers les plus terribles, les organisant même, tout ou en partie, et finalement étant les premiers à succomber dans leurs psychologies au choc de ce danger réalisé, organisé tout ou en partie par eux-mêmes... Comment est-il possible qu’on organise un choc terrible, soi-disant pour les autres, et qu’on soit le premier à y succomber, et même le seul par rapport aux autres, comme s’il était vrai? Pourtant, cette analyse est fondée, selon nous.
»“Notre thèse soutenant l’hypothèse pour la confirmer est, bien entendu, que la pathologie précède le choc qui l’a prétendument causée…”»
Nous avons identifié un tournant essentiel dans la pertinence ontologique du concept de virtualisme, avec la crise de l’automne 2008. A cette occasion (effondrement de Wall Street, château de cartes bâti sur des marais de $milliards de singe), les évènements ont frappé avec une telle force, et avec un entêtement et une continuité si admirables, qu’ils ont fait basculer toute la fiction du Système comme situation générale vertueuse et sans alternative possible. (Quant à savoir quelle alternative, c'est une autre affaire... La seule certitude est bien que le Système n'est plus possible.) L’échec de la tentative de rétablir le virtualisme était évident dès le printemps 2009, lorsqu’il apparut que le “reprise” annoncée n’avait pas lieu (voir le 23 mai 2012, sur les “jeunes pousses” du printemps).
Dès lors, il y eut un abandon massif de la croyance virtualiste générale dans le Système, avec un repli de cette croyance chez les seuls manipulateurs (les directions politiques du Système). Cette situation paradoxale (les derniers croyants de la manipulation sont les manipulateurs) était mise en évidence dans notre texte du 21 décembre 2010 sur le dde.crisis correspondant : « Notre enquête de ce dde.crisis du 10 décembre 2010 commence par cette évaluation de la situation du virtualisme, tout en donnant les premiers éléments fondamentaux d’une définition. Il s’agit de montrer que le virtualisme agit sur la psychologie, et nullement sur le jugement ou l’appréciation, ce qui le rend particulièrement incontrôlable. Cela fait qu’on ne peut distinguer de façon assurée, dans son opérationnalité, des manipulateurs et des “manipulés”. Actuellement, ce sont les prétendus manipulateurs (les directions politiques et leurs services de communication annexes) qui sont les quasi “victimes” exclusives du virtualisme.»
Le même dde.crisis était l’occasion de renouveler la définition du virtualisme à l’heure de sa retraite, avec ses liens et ses effets massifs sur la psychologie, et sa fonction de révélateur de l’état profond et de l’évolution fondamentale du Système de sa dynamique de surpuissance en dynamique d’autodestruction.
«Dans notre interprétation, nous avons considéré le virtualisme, non comme une simple “technique” de mystification de plus mais comme un phénomène spécifique de ce que nous nommons le Système. Le virtualisme est à l’image de ce phénomène qui s’est développé à partir de l’événement du “déchaînement de la matière” et qui a acquis les dimensions et les caractères fondamentaux de ce que nous nommons le Système à partir du développement du système de la communication. De ce point de vue, la spécificité et la chronologie uniques du virtualisme sont avérées.
»Le virtualisme est un phénomène qui, outre ses caractères propres, a celui d’être un révélateur du Système lui-même. Sa désintégration en cours est l’exemple d’une partie ontologique du Système qui se dévore elle-même et nous montre, ce faisant, la vérité de la crise eschatologique que nous sommes en train de vivre avec le paroxysme et l’agonie du Système.
»“Le virtualisme était un mal nécessaire, comme s’il importait d’aller au bout de toutes les entreprises du Système, pour le confronter à lui-même, et l’amener à se dévorer lui-même. Le festin a commencé”… En effet, il nous semble que la désintégration en cours du virtualisme est une sorte de ‘modèle’ pour la façon dont le système se dévore lui-même au travers de ses propres productions catastrophiques, dans un mouvement qui semble devenir générique.
»“Mais cette désintégration du virtualisme elle-même, et elle-même jouant un rôle audestructeur dans ce processus, nous fait observer que toutes ces situations catastrophiques sont menacées par cette tendance mortifère du Système général qui est devenu la structure négative exprimant le ‘déchaînement de la matière’, jusqu’à la situation extrême de se dévorer lui-même, de s’autodétruire. Il semble que nous soyons effectivement à ce point de fusion, et l’on serait tenté de penser que cette affaire Wikileaks, ou Cablegate, survenue à l’instant de notre constat général et paraissant comme ‘exploitée’ par le Système pour se porter des coups à lui-même, en constitue une démonstration in vivo.
»“Nous sommes ainsi placés à la fois devant une dévastation sans mesure et devant la folie, – bien au-delà de la maniaco-dépression, – de cette entité responsable de cette dévastation et qui entreprend de se dévorer elle-même”…»
Le virtualisme est un concept qui se meurt. Il a représenté un état de triomphe de la puissance manipulatrice du système de la communication par le Système, donc le triomphe de la puissance mystificatrice, avec les mystificateurs tenant le premier rôle, presque d’une façon exemplaire, dans leur façon irrésistiblement dérisoire d’accepter d’être mystifiés… Puisque, comme l’on sait, «les premiers seront les derniers», les mystificateurs (nos directions politiques) sont les derniers à “y croire” encore, mais d’une façon épisodique, et de façon de plus en plus erratique, dans une situation défensive de plus en plus désespérée, en une démonstration implacable de la fatigue extrême et en aggravation constante de la psychologie. Leur croyance est automatique, sans gloire et sans joie, sans le moindre enthousiasme, plutôt croyance terrorisée, et croyance maintenue dans un état de survie artificielle… Ce sont des personnages du Système, liés au Système, prisonniers des privilèges que le Système leur accorde, corrompus extrêmement par le Système, et ainsi ne peuvent-ils se déprendre des pressions du Système. On dirait qu’on ne peut parler de ces hommes et de ces femmes, sapiens divers comme autant de fétus de paille, sans leur accoler, presque comme un qualificatif constitutif de leur identité, le mot “Système”.
Cet affaiblissement psychologique, évidemment provoqué en grande partie et accéléré par les évènements catastrophiques qui fragilisent terriblement et d’une façon décisive le virtualisme en contredisant la fiction dispensée par lui, a suscité un processus de déstructuration et de dissolution de la puissance mystificatrice du concept. Littéralement, le virtualisme se déstructure et se dissout dans le ridicule de ses affirmations par rapport à l’extrême dureté de la réalité qui nous restitue presque, grâce à sa force, la vérité elle-même. (Le ridicule ne tuerait donc pas, mais il déstructurerait et dissoudrait, ce qui est au moins aussi bien et bien plus sophistiqué.). C’est un processus parfait d’inversion vertueuse, qui s’est déroulé implacablement depuis 2008, au rythme des coups portés au Système. Lorsqu’un dirigeant-Système se risque à hasarder que “le pire est passé” ou quelque banalité de la sorte (Hollande après le sommet européen du 22 octobre 2012), on en est presque gêné pour lui tant cette affirmation s’effrite en quelques heures contre la dureté du mur que forme désormais la vérité de la crise.
L’effondrement du virtualisme est extrêmement rapide, à l’image, ou au rythme du naufrage du Système. Mais enfin, et puisqu’il s’agit de tenter de sauver les meubles, voici donc, pour achever le voyage au bout du virtualisme, la narrative…
Ainsi s’explique-t-il que nous employons de moins en moins le concept de virtualisme au profit du concept de narrative, que nous employons désormais beaucoup plus souvent. (Le mot volontairement employé en anglais est hautement ambigu, puisqu’il peut se traduire par “récit”, “narration”, “histoire”, auxquels nous pourrions rajouter “fable”. Le choix du mot anglais répond à la satisfaction de disposer de cette ambiguïté pour caractériser leurs actes, – ceux des serviteurs-Système réduits à la communication. pour néanmoins détacher le mot de son emploi courant, nous avons décidé de l'employer comme invariable, – le ou les narrative...)
La narrative est la version éclatée et fragmentée du virtualisme. Le virtualisme étant de plus en plus déstructuré et en voie de dissolution, la formule est rattrapée selon un événement qui, brusquement, selon des conditions de communication qu’on croit favorable, est transformé en une narrative, c’est-à-dire en un une fable virtualiste limitée à l’événement lui-même et dépendant donc d’une déformation forcenée d’événements parcellaires et secondaires, eux-mêmes éclatés et déstructurés, et qui présentent la désagréable faiblesse de pouvoir brusquement se trouver contredits. Le tout présente une absence d’unité dommageable, une déstructuration à nouveau du cadre général, nuisant gravement à la cohérence générale qui était une des plus belles caractéristiques du virtualisme. Les personnages-Système apparaissent souvent pour ce qu’ils sont : hallucinés, comme le sont dans le cadre de la narrative-Syrie Hillary Clinton, éventuellement avec ses amis Hague et Fabius. (Voir, par exemple, le 7 juillet 2012, le 26 juillet 2012, le 20 août 2012.)
En effet, cette virtualisation d’une partie de la réalité seulement permet des attaques latérales violentes de cette réalité, d’autant plus efficaces lorsque la réalité est si forte qu’elle a des structures proches de celles de la vérité. Du coup, la narrative elle-même risque de se déstructurer brutalement, et de se dissoudre, entraînant cette terrible déstabilisation des psychologies épuisées. La Syrie est un bon cas… On peut constater effectivement, en cet automne 2012, une dissolution effrayante de la narrative qui paraissait flamboyante il y a six mois. Le lien avec la Libye comme “modèle” de narrative de l'improbable succès humanitariste du bloc BAO n’a pu être établi, à cause justement de la faiblesse de la narrative libyenne puisque la Libye sombre dans un chaos qui ne faisait pas partie du programme-BHL. L’absence d’unité structurante fait s’accumuler les faiblesses consécutives des différentes narrative. Désormais la narrative-Syrie est en pleine débâcle. On ne parle plus des “amis de la Syrie” ; la Turquie change de cap ; l’Arabie rechigne ; le Qatar n’en fait qu’à sa tête et de balade du côté de Gaza ; les USA sont aux abonnés absents ; les Russes parlent haut et sont appréciés ; les “rebelles” se battent entre eux, et ainsi de suite.
La narrative est donc une mesure désespérée, comme ces marins qui bouchent un trou dans une coque qui ressemble à un gruyère, qui fait eau de toutes parts. L’obstruction temporaire n’a évidemment qu’un effet temporaire, qui se retourne complètement lorsque la situation générale s’est assez aggravée pour rendre inutile et surtout dérisoire cette intervention. La narrative est le requiem in pace du virtualisme, et l’illustration dramatique de la transformation du désordre installé par le virtualisme en un système antiSystème qui ne sert qu’à mettre en évidence la faiblesse générale qu’elle était censée renverser par une intervention virtualiste momentanée et spécifique.
La narrative avait été posée ici et là pour empêcher qu’on voit que le roi (le virtualisme) est nu. En réalité (?), ou plutôt en vérité (!), nous nous apercevons simplement que le roi (le virtualisme) qu’on croyait aussi majestueux qu’une fresque de la Chapelle Sixtine ressemble à un Picasso, période blues…
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